LIO_ POP MODEL_ ORIGINALY RELEASED 1986
Les années 83 et 84 sont pour Lio une première remise en question, après l’ouragan du premier album et ses millions de disques vendus. Amours toujours le suivant n’a pas eu le même succès. Dur de toutes les façons de rééditer pareil sans-faute. En 1983 Lio s’éloigne un peu de la chanson et fait ses débuts au cinéma avec la réalisatrice Chantal Akerman dans une comédie musicale Pop et kitsch : « GOLDEN EIGHTIES » suivie du premier film de Didier Haudepin : « ELSA, ELSA ». Côté musique, Alain Chamfort qui avait produit Amours toujours fait une dernière tentative en 1984 avec le single Tétéou sur des paroles de Boris Bergman, alors parolier attitré d’Alain Bashung. Mais Lio semble un peu dans une impasse !
Je revenais d’Afrique du Sud ou j’avais produit l’album de Lizzy Mercier Descloux et contre toute attente le single Mais où sont passées les Gazelles, commençait à faire un joli petit tube en France. C’est durant la promotion de ce single avec Lizzy que je rencontre Lio pour la première fois, (je ne suis pas encore au courant de l'anecdote Duvall / Banana Split - ZE records - voir Liner Notes Premier Album) sur un plateau télé où elle fait la promo de Tétéou.
Puis par l'intermédiaire de CBS, pour qui j’avais produit l’album de Lizzy, je rencontre Alain Chamfort qui cherche un manager. Chamfort et Lio, qui n’a que 22 ans, vivent ensemble depuis cinq ans. Un jour elle me joue une démo qu’elle traîne depuis des mois avec un titre génial : Les Brunes Comptent Pas Pour Des Prunes, écrit par l’incontournable Jacques Duvall et composé par Marc Moulin. Musicalement les arrangements datent, c’est un peu synthétique, mais le titre est un standard. Etant à fond dans Prince période Purple rain/Around a world in a day. Je propose immédiatement à Lio d’enregistrer ce titre « façon » Rasbery beret, rock, mais avec des arrangements de cordes. Elle est emballée. Chamfort fait les arrangements.
Début 1986, départ pour Bruxelles. Au Studio de Dan Lacksman où a été enregistré le premier album, je convie Vincent Palmer, grand guitariste devant l’éternel et ex du groupe Bijou; à la batterie le batteur de Bashung Philippe Draïe. Steve Nieve (le pianiste d’ Elvis Costello) ne fait pas l’affaire, et est remplacé par Chamfort et Moulin aux claviers. Une mention spéciale à la regrettée Sylvaine Bordy pour les chœurs. Premier mixage à Londres dont nous ne sommes pas satisfaits, deuxième à Paris avec le magicien Dominique Blanc Francard qui « as usual » fait un sans-faute. En quelques semaines, le tour est joué et à partir de ce moment là, tout va aller très vite, trop vite peu être ?!
Lio prend cinquante pour cent de la société de production et d’édition que je viens de monter. On signe avec Luigi Calabrese un deal de licence avec Polydor contre l’avis des gros pontes qui pensent que Lio est finie parce qu’elle vient juste de traverser un petit bout de désert. Une has been à 23 ans ! Alors que c’est un pétard dont on a juste éteint la mèche... On va leur prouver ce que l’on sait faire ! Il faut rendre ici hommage à Luigi Calabrese car il signe ce deal sans avoir rien entendu, pas une maquette, juste une belle histoire. Il fallait avoir confiance ! Et la confiance va payer.
Début mai on tourne un vidéo clip clin d’œil Pop aux comédies musicales hollywoodienes, qui fonctionne à merveille. Les chaînes télés adorent. Départ pour le festival de Cannes où Lio promotionne le film de Chantal Akerman en compétition dans la quinzaine des réalisateurs. Au retour de Cannes, Lio et moi sommes un peu plus que fifty/fifty... Les Brunes commence à vraiment démarrer très fort, Lio fait le plein de promo télés. Parallèlement, on prépare des titres pour un futur album. Duvall le fidèle complice écrit des perles comme d’habitude. Jay Alansky pas en reste compose des titres magnifiques, Barbie, Dallas, et challenge pas évident à relever après un single aussi fort que les Brunes, des hits potentiels comme, Fallait pas commencer, Je casse tout ce que je touche, ou Chauffeur. Reste à monter un gang de malfaiteurs, trouver un bon studio et un bon ingénieur.
Yann Leker était guitariste d’un groupe parisien défunt Modern Guy dont j’aimais bien l’album et surtout sa façon de jouer de la guitare. Dans les Guy, il y avait aussi mon ami Guillaume Israel au chant, et Jean François Cohen à la basse. Yann, quand le groupe a splitté est parti faire Berkeley school of music à Los Angeles et il connaissait quelques musiciens sur place qui pouvaient faire l’affaire. Il sera chargé du casting. Une nouvelle fois j’applique une de mes théories qui est d’enregistrer dans une ville ou l’artiste n’a pas d’attache, afin d’être totalement immergé dans le travail de l’album, coupé des contingences quotidiennes, et des « amis » qui passent à l’improviste...
Juillet 86 départ pour Los Angeles, on s’installe au mythique Tropicana Motel, sur Santa Monica Boulevard (west Hollywood) encore hanté des ombres de quelques géants aux pieds d’argiles. Tom Waits y a vécu neuf ans. Ricky Lee Jones, Sam Sheppart, Jim Morrison ont tous aussi vécus là une bonne partie de leurs Golden years. Janis Joplin, elle, y fut retrouvée morte d’une OD en 1970. Paul Morrissey y a tourné Heat produit par Andy Warhol. Et quand les New-Yorkais Ramones ou Blondie étaient en ville, c’est là qu’ils descendaient. Avec le Chateau Marmont sur Sunset, le Tropicana était l’équivalent du Chelsea à N.Y. Rock’n’roll hôtel s’il en est.
On loue un studio de repèt et on s’enferme trois semaines comme pour préparer un concert. Entre temps j’appelle un ingénieur de génie, Steve Stanley avec qui j’ai travaillé en 1981 sur l’album Mambo Nassau de Lizzy Mercier Descloux, ancien membre du Tom Tom Club et coproducteur de standard comme Wordy Rappinghood. Steve est Jamaïcain, résidant du Compass point Studio d’Island records à Nassau où j’ai enregistré trois albums. Je l’ai vu travailler comme ingénieur et mixeur avec Grace Jones, Bob Marley, remixer les B 52’s ou les Talking heads. Une vraie pointure et un esprit inventif ! Steve nous rejoindra à Rio où nous avons décidé l’aller finir l’album après les basics tracks enregistrés à L.A. Pour les arrangements de cordes, je fais appel à une vielle connaissance avec qui j’ai produit mon second single en 1977, (Re Bop pour Marie et les Garçons) et travailler pendant presque un an sur un projet de label Spy records juste avant de fonder ZE records. Un de mes héros et néanmoins ami, le génial John Cale.
J’ envoie les maquettes à John qui écrit les arrangements à New York, puis nous rejoint à L.A pour diriger le quintet de cordes, faire quelques pianos et coproduire les séances des titres sur lesquels il intervient. Ça commence à faire une jolie Dream Team...
L’enregistrement se déroule quasiment live sur quinze jours dans une euphorie communicative. Le courant passe parfaitement entre Lio et John Cale. J’ai rarement vu notre gallois bougon d’ aussi bonne humeur. Guillaume Israel le chanteur de Modern Guy et ancien complice de Yann Leker qui vit lui aussi à L.A, nous a rejoint avec son désespoir et son merveilleux sens de l’humour. Il écrit quelques superbes paroles, Pop song, Veste du soir et l’adaptation française de Hot love, le titre de T. Rex que nous avons décidé de reprendre. Deux ans plus tard il viendra mourir stupidement à Paris pour les fêtes de noël.
En quinze jours les basics tracks sont optimales. Les musiciens tournent d’enfer. John a fait des arrangements de cordes sublimes. Départ Rio où nous rejoint Steven Stanley. Nous enregistrons dans le studio de Gilberto Gil, dans sa maison, l’ambiance est familiale. J’adore cette ville depuis que j’y ai produit l’album de Lizzy Mercier Descloux One for the soul, l’année passée (un superbe album featuring Chet Backer). Pour Pop Model Sylvaine Bordy a écrit de formidables arrangements de chœurs qu’elle interprète avec Lio et Hélèna Nogueira venue aussi de Paris pour les réjouissances. Steven Stanley fait tous les overdubs de synthé et enregistre les percussions avec les regionaux de l’étape. Une fois tout cela terminé, nous rentrons à Paris pour mixer avec Steven.
Bel accueil de l’album dès sa sortie en septembre. La pochette, un brin provocatrice, m’a été inspirée par “Red girl” (1964), un tableau du peindre Pop Art anglais Allen Jones. Grosse promo télé sur le deuxième single Fallait pas commencer. Ça part aussi fort que les Brunes... Deuxième tube ! Rock & Folk met Lio en couverture, pas mal pour ceux qui pensaient qu’elle n’est qu’une une chanteuse de variété ! Décembre retour à Los Angeles pour tourner deux clips, Fallait pas commencer et Barbie. Succès oblige, budget Hollywoodien, tournage cinéma 35 mn technicolor. On tourne Fallait pas... dans le barrio mexicain de L.A, on loue la piscine désaffectée de l’ancienne maison d’ Errol Flynn pour le clip Barbie inspiré de Ciao Manhattan, le film culte de John Palmer et David Wiesman avec la sublime Edie Sedgwick. Encore un sans faute ! Début 1987 rentré à Paris pour préparer une tournée. L’Olympia est programmée pour le mois de mai. Je casse tout ce que je touche, troisième single sort à cette période. Mais de Los Angeles Lio ramène en plus des deux magnifiques clips, un autre très beau cadeau conçu au Tropicana Motel... Enceinte de cinq mois elle fait tout de même 4 jours à l’Olympia, une grosse production comme une comédie musicale avec plusieurs tableaux. Mais nous devons annuler le reste de la tournée. Un quatrième single Chauffeur suivez cette voiture sortira en septembre 87, le même mois que la naissance de notre fille Nubia, qui malgré les disques d’or de l’ album et des singles, reste notre plus belle réussite. Dix huit ans après (le soi-disant âge de la maturité) je peux dire avec fierté que les deux ont superbement grandit.
Michel Esteban, Paris 2005
ORIGINAL ALBUM
01 • Pop Song • 3:23
(Guillaume Israel / Cacho Vasquez / Yann Leker) Published by Bananamour
02 • Je Casse Tout Ce Que Je Touche • 3:54
(Jacques Duvall / Jay Alansky) Published by Bananamour
03 • Les Deux Pour Le Prix D'une • 3:06
(Jacques Duvall / Jay Alansky) Published by Bananamour
04 • Les Filles Veulent Tout • 3:43
(Guillaume Israel / Isabelle Fasy) Published by Bananamour
05 • Dallas • 3:55
(Jacques Duvall / Jay Alansky) Published by Bananamour
06 • Les Brunes Comptent Pas Pour Des Prunes • 3:11
(Jacques Duvall / Marc Moulin) Published by Bananamour
07 • Fallait Pas Commencer • 3:53
(Jacques Duvall / Jay Alansky) Published by Bananamour
08 • Veste Du Soir • 3:47
(Guillaume Israel / Yann Leker) Published by Bananamour
09 • Hot Love • 3:30
(Marc Bolan) Published by Essex
French Adaptation by Guillaume Israel
10 • Barbie • 3:48
(Jacques Duvall / Jay Alansky) Published by Bananamour
11 • Chauffeur Suivez Cette Voiture • 3:24
(Jacques Duvall / Jay Alansky) Published by Bananamour
BONUS TRACKS
12 • Brunettes Are No Puppets • 3:05
(Jacques Duvall /Marc Moulin) Published by Bananamour
13 • Les Deux Pour Le Prix D'une • Long Club Version • 5:05
(Jacques Duvall / Marc Moulin) Published by Bananamour
14 • Les Brunes Comptent Pas Pour Des Prunes • Long club version • 4:47
(Jacques Duvall / Marc Moulin) Published by Bananamour
15 • Fallait Pas Commencer • Long club version • 5:00
(Jacques Duvall / Jay Alansky) Published by Bananamour
16 • Je Casse Tout Ce Que Je Touche • Long Club Version • 5:07
(Jacques Duvall / Jay Alansky) Published by Bananamour
17 • Chauffeur Suivez Cette Voiture • Long Club Version • 5:00
(Jacques Duvall / Jay Alansky) Published by Bananamour
18 • Barbie • Alternative Mix No Drum • 3:46
(Guillaume Israel / Cacho Vasquez / Yann Leker)
Published by Bananamour
MUSICIANS
Yann Leker • Guitars
Vincent Palmer • Guitars on « Les Brunes... »
Marc Navez • Bass
Gilbert Levy • Drums
Philippe Draï • Drums programming on « Les Brunes... »
Steven Stanley • Synthesizers
John Cale • Keyboards
Alain Chamfort • Keyboards on « Les Brunes... »
Marc Moulin • Keyboards on « Les Brunes... »
Dale Turner • Trumpet
Spider Mittleman • Sax
Michael Markman • Violins
Henri Ferber • Violins
Edith S.Shayne • Violins
Peter Hatch • Viola
David Shamban • Cello
Marcal Filho • Percussion
Silvaine Bordy • Backgroung Vocals
Lio • Backgroung Vocals
Helena Nogueira • Additional Background vocals
SOUND
Produced by Michel Esteban
Associates producers Steven Stanley & Yann Leker
« Dallas », « Barbie », « Veste du Soir » Associate Producer John Cale
Strings arrangements by John Cale
Horns arrangements by Yann Leker
Backing vocals arrangements by Sylvaine Bordy
Recorded at Music Grinder, Los Angeles, USA 1986
Recording engineer Gary Skardina
Assisted by Casey
Additional Recording at Nas Nuvens Studio Rio de Janiero, Brazil
Enginner Steven Stanley • Assisted by Chico Neves & Antoine Midani
Mixed at Marcaded Studio, Paris, France by Steven Stanley
Assisted by Olivier de Bosson
Les Brunes Comptent Pas Pour Des Prunes Original Single Mix
Produced by Michel Esteban, Associate Producer Alain Chamfort & Marc Moulin
Recorded at Synsound by Dan Lacksman assisted by Cocky
Original Mix by Dominique Blanc Francard
at Palais des Congres Studio, Paris, France
Album version Remixed By Steven Stanley
Originaly released in 1986
Reissue co-ordinated & produced by Michel Esteban
Remastered 2005 by Charlus de la Salle at South Factory Sudio
The copyright of this selection Sound & Arwork is owned by
ZE records P & C 2005 under Licence by OZ
This reissue is dedicated with love to the late Sylvaine Bordy
DESIGN
Original Art Cover Design by Michel Esteban
Based on « Red Girl » painting by Allen Jones
Photo by Costa Kekemenis assisted by Thierry Le Goues
Digipack Design & Photos by Michel Esteban
Les années 83 et 84 sont pour Lio une première remise en question, après l’ouragan du premier album et ses millions de disques vendus. Amours toujours le suivant n’a pas eu le même succès. Dur de toutes les façons de rééditer pareil sans-faute. En 1983 Lio s’éloigne un peu de la chanson et fait ses débuts au cinéma avec la réalisatrice Chantal Akerman dans une comédie musicale Pop et kitsch : « GOLDEN EIGHTIES » suivie du premier film de Didier Haudepin : « ELSA, ELSA ». Côté musique, Alain Chamfort qui avait produit Amours toujours fait une dernière tentative en 1984 avec le single Tétéou sur des paroles de Boris Bergman, alors parolier attitré d’Alain Bashung. Mais Lio semble un peu dans une impasse !
Je revenais d’Afrique du Sud ou j’avais produit l’album de Lizzy Mercier Descloux et contre toute attente le single Mais où sont passées les Gazelles, commençait à faire un joli petit tube en France. C’est durant la promotion de ce single avec Lizzy que je rencontre Lio pour la première fois, (je ne suis pas encore au courant de l'anecdote Duvall / Banana Split - ZE records - voir Liner Notes Premier Album) sur un plateau télé où elle fait la promo de Tétéou.
Puis par l'intermédiaire de CBS, pour qui j’avais produit l’album de Lizzy, je rencontre Alain Chamfort qui cherche un manager. Chamfort et Lio, qui n’a que 22 ans, vivent ensemble depuis cinq ans. Un jour elle me joue une démo qu’elle traîne depuis des mois avec un titre génial : Les Brunes Comptent Pas Pour Des Prunes, écrit par l’incontournable Jacques Duvall et composé par Marc Moulin. Musicalement les arrangements datent, c’est un peu synthétique, mais le titre est un standard. Etant à fond dans Prince période Purple rain/Around a world in a day. Je propose immédiatement à Lio d’enregistrer ce titre « façon » Rasbery beret, rock, mais avec des arrangements de cordes. Elle est emballée. Chamfort fait les arrangements.
Début 1986, départ pour Bruxelles. Au Studio de Dan Lacksman où a été enregistré le premier album, je convie Vincent Palmer, grand guitariste devant l’éternel et ex du groupe Bijou; à la batterie le batteur de Bashung Philippe Drie. Steve Nieve (le pianiste d’ Elvis Costello) ne fait pas l’affaire, et est remplacé par Chamfort et Moulin aux claviers. Une mention spéciale à la regrettée Sylvaine Bordy pour les chœurs. Premier mixage à Londres dont nous ne sommes pas satisfaits, deuxième à Paris avec le magicien Dominique Blanc Francard qui « as usual » fait un sans-faute. En quelques semaines, le tour est joué et à partir de ce moment là, tout va aller très vite, trop vite peu être ?!
Lio prend cinquante pour cent de la société de production et d’édition que je viens de monter. On signe avec Luigi Calabrese un deal de licence avec Polydor contre l’avis des gros pontes qui pensent que Lio est finie parce qu’elle vient juste de traverser un petit bout de désert. Une has been à 23 ans ! Alors que c’est un pétard dont on a juste éteint la mèche... On va leur prouver ce que l’on sait faire ! Il faut rendre ici hommage à Luigi Calabrese car il signe ce deal sans avoir rien entendu, pas une maquette, juste une belle histoire. Il fallait avoir confiance ! Et la confiance va payer.
Début mai on tourne un vidéo clip clin d’œil Pop aux comédies musicales hollywoodienes, qui fonctionne à merveille. Les chaînes télés adorent. Départ pour le festival de Cannes où Lio promotionne le film de Chantal Akerman en compétition dans la quinzaine des réalisateurs. Au retour de Cannes, Lio et moi sommes un peu plus que fifty/fifty... Les Brunes commence à vraiment démarrer très fort, Lio fait le plein de promo télés. Parallèlement, on prépare des titres pour un futur album. Duvall le fidèle complice écrit des perles comme d’habitude. Jay Alansky pas en reste compose des titres magnifiques, Barbie, Dallas, et challenge pas évident à relever après un single aussi fort que les Brunes, des hits potentiels comme, Fallait pas commencer, Je casse tout ce que je touche, ou Chauffeur. Reste à monter un gang de malfaiteurs, trouver un bon studio et un bon ingénieur.
Yann Leker était guitariste d’un groupe parisien défunt Modern Guy dont j’aimais bien l’album et surtout sa façon de jouer de la guitare. Dans les Guy, il y avait aussi mon ami Guillaume Israel au chant, et Jean François Cohen à la basse. Yann, quand le groupe a splitté est parti faire Berkeley school of music à Los Angeles et il connaissait quelques musiciens sur place qui pouvaient faire l’affaire. Il sera chargé du casting. Une nouvelle fois j’applique une de mes théories qui est d’enregistrer dans une ville ou l’artiste n’a pas d’attache, afin d’être totalement immergé dans le travail de l’album, coupé des contingences quotidiennes, et des « amis » qui passent à l’improviste...
Juillet 86 départ pour Los Angeles, on s’installe au mythique Tropicana Motel, sur Santa Monica Boulevard (west Hollywood) encore hanté des ombres de quelques géants aux pieds d’argiles. Tom Waits y a vécu neuf ans. Ricky Lee Jones, Sam Sheppart, Jim Morrison ont tous aussi vécus là une bonne partie de leurs Golden years. Janis Joplin, elle, y fut retrouvée morte d’une OD en 1970. Paul Morrissey y a tourné Heat produit par Andy Warhol. Et quand les New-Yorkais Ramones ou Blondie étaient en ville, c’est là qu’ils descendaient. Avec le Chateau Marmont sur Sunset, le Tropicana était l’équivalent du Chelsea à N.Y. Rock’n’roll hôtel s’il en est.
On loue un studio de repèt et on s’enferme trois semaines comme pour préparer un concert. Entre temps j’appelle un ingénieur de génie, Steve Stanley avec qui j’ai travaillé en 1981 sur l’album Mambo Nassau de Lizzy Mercier Descloux, ancien membre du Tom Tom Club et coproducteur de standard comme Wordy Rappinghood. Steve est Jamaïcain, résidant du Compass point Studio d’Island records à Nassau où j’ai enregistré trois albums. Je l’ai vu travailler comme ingénieur et mixeur avec Grace Jones, Bob Marley, remixer les B 52’s ou les Talking heads. Une vraie pointure et un esprit inventif ! Steve nous rejoindra à Rio où nous avons décidé l’aller finir l’album après les basics tracks enregistrés à L.A. Pour les arrangements de cordes, je fais appel à une vielle connaissance avec qui j’ai produit mon second single en 1977, (Re Bop pour Marie et les Garçons) et travailler pendant presque un an sur un projet de label Spy records juste avant de fonder ZE records. Un de mes héros et néanmoins ami, le génial John Cale.
J’ envoie les maquettes à John qui écrit les arrangements à New York, puis nous rejoint à L.A pour diriger le quintet de cordes, faire quelques pianos et coproduire les séances des titres sur lesquels il intervient. Ça commence à faire une jolie Dream Team...
L’enregistrement se déroule quasiment live sur quinze jours dans une euphorie communicative. Le courant passe parfaitement entre Lio et John Cale. J’ai rarement vu notre gallois bougon d’ aussi bonne humeur. Guillaume Israel le chanteur de Modern Guy et ancien complice de Yann Leker qui vit lui aussi à L.A, nous a rejoint avec son désespoir et son merveilleux sens de l’humour. Il écrit quelques superbes paroles, Pop song, Veste du soir et l’adaptation française de Hot love, le titre de T. Rex que nous avons décidé de reprendre. Deux ans plus tard il viendra mourir stupidement à Paris pour les fêtes de noël.
En quinze jours les basics tracks sont optimales. Les musiciens tournent d’enfer. John a fait des arrangements de cordes sublimes. Départ Rio où nous rejoint Steven Stanley. Nous enregistrons dans le studio de Gilberto Gil, dans sa maison, l’ambiance est familiale. J’adore cette ville depuis que j’y ai produit l’album de Lizzy Mercier Descloux One for the soul, l’année passée (un superbe album featuring Chet Backer). Pour Pop Model Sylvaine Bordy a écrit de formidables arrangements de chœurs qu’elle interprète avec Lio et Hélèna Nogueira venue aussi de Paris pour les réjouissances. Steven Stanley fait tous les overdubs de synthé et enregistre les percussions avec les regionaux de l’étape. Une fois tout cela terminé, nous rentrons à Paris pour mixer avec Steven.
Bel accueil de l’album dès sa sortie en septembre. La pochette, un brin provocatrice, m’a été inspirée par “Red girl” (1964), un tableau du peindre Pop Art anglais Allen Jones. Grosse promo télé sur le deuxième single Fallait pas commencer. Ça part aussi fort que les Brunes... Deuxième tube ! Rock & Folk met Lio en couverture, pas mal pour ceux qui pensaient qu’elle n’est qu’une une chanteuse de variété ! Décembre retour à Los Angeles pour tourner deux clips, Fallait pas commencer et Barbie. Succès oblige, budget Hollywoodien, tournage cinéma 35 mn technicolor. On tourne Fallait pas... dans le barrio mexicain de L.A, on loue la piscine désaffectée de l’ancienne maison d’ Errol Flynn pour le clip Barbie inspiré de Ciao Manhattan, le film culte de John Palmer et David Wiesman avec la sublime Edie Sedgwick. Encore un sans faute ! Début 1987 rentré à Paris pour préparer une tournée. L’Olympia est programmée pour le mois de mai. Je casse tout ce que je touche, troisième single sort à cette période. Mais de Los Angeles Lio ramène en plus des deux magnifiques clips, un autre très beau cadeau conçu au Tropicana Motel... Enceinte de cinq mois elle fait tout de même 4 jours à l’Olympia, une grosse production comme une comédie musicale avec plusieurs tableaux. Mais nous devons annuler le reste de la tournée. Un quatrième single Chauffeur suivez cette voiture sortira en septembre 87, le même mois que la naissance de notre fille Nubia, qui malgré les disques d’or de l’ album et des singles, reste notre plus belle réussite. Dix huit ans après (le soi-disant âge de la maturité) je peux dire avec fierté que les deux ont superbement grandit.
Michel Esteban, Paris 2005